Madeleine Desdevises - "La Drôlesse" de Jacques Doillon
Dominique Besnehard parle de Mado avec émotion...

Quelques extaits des 5 pages consacrées à Mado et au film La Drôlesse :
(p.81) "Un jour nous allons dans une école à côté de Saint-Lô, à Saint-Aubin-du-Perron. Dans la classe on a remarqué une gamine intéressante. Elle était dans un coin et ne posait aucune question. Elle écoutait... je sentais chez elle de la sensibilité et de l'intelligence. Un coup d'œil à Mic (Cheminal) suffit pour me faire comprendre qu'elle partage mon sentiment. On dit à l'institutrice qu'elle nous plaît. "Vous avez raison, elle est brillante, elle s'appelle Madelaine Desdevises".
.../... D'une certaine manière, elle annonçait des filles comme Sandrine Bonnaire et Béatrice Dalle. Elle évoque Simone Signoret Jeune. Jacques Doillon a regardé les photos et décidé de la rencontrer. Il nous a demandé de le laisser seule avec elle. Il sont restés plus d'une heure et demie en tête à tête. Après leur entretien, Jacques a simplement dit "C'est elle ! C'est elle que je veux !".
.../... Je me suis attaché à Mado. Elle a été ma plus belle découverte et l'une de mes plus belles rencontres. Le tournage terminé, j'allais la voir chaque fois que je pouvais, lorsque je rendais visite à mes parents en Normandie.
.../... Lorsque le film a été sélectionné au Festival de Cannes 1979, Jacques m'a demandé de l'y emmener. Je n'y étais jamais allé, elle non plus bien sûr. En débarquant sur la Croisette au petit matin, nous étions comme deux paysans normands découvrant la Riviéra ou comme deux gosses devant le sapin de Noël. Mado a été absolument formidable enchaînant interviews et photos, la conférence de presse, le photocall, la montée des marches. Après quelques jours de folie cannoise, nous étions sur le départ, elle m'a dit "Tu crois qu'on a le temps ? Je n'ai jamais mis les pieds dans la mer...". J'ai réalisé à ce moment l'incroyable égocentrisme de ce métier. A aucun moment on ne lui avait demandé ce dont elle avait envie, ce qui lui ferait plaisir !
.../... Au moment de reprendre le train, l'assitant d'Yves Boisset qui l'avait trouvée formidable, voulait tourner avec elle. Mado a simplement répondu "Non, moi, je ne veux plus tourner !" Elle ne voulait pas devenir actrice. Elle avait fait ce film pour payer ses études. Elle voulait être prof ou médecin.
.../.. Un jour, par sa sœur, j'apprends que Mado est gravement malade. Elle a une leucémie et ses jours sont comptés. Je quitte le tournage de Martin Guerre et file à Caen où je la vois dans une chambre spéciale reliée par de nombreux tuyaux à plein d'appareils. Je suis ressorti de la chambre totalement dévasté. Je suis tombé en larmes devant l'infirmière qui m'a tout raconté. Elle me dit "Elle n'en a plus pour très longtemps. Vous savez, elle nous a souvent parlé de vous, de Jacques Doillon, du tournage..."
.../... De retour à Paris, j'appelle Jacques. Nous sommes retournés la voir tous les deux. Elle nous a carrément dit adieu... Trois jours après, le 16 avril 1982, elle était morte. Souvent avec Jacques, on se rappelle qu'on a partagé ce moment-là".